lundi 12 janvier 2015

#Je suis Charlie

Mardi, en rentrant de vacances, je t'avais écrit un grand message pour te raconter mon année 2014 et te souhaiter une belle année 2015. Il me restait des photos à retoucher avant de mettre l'article en ligne. Je comptais le faire mercredi.

Le problème, c'est que mercredi matin, il s'est passé ce que tu sais qu'il s'est passé. Ce que j'avais écrit la veille m'a alors paru vraiment ridicule et dérisoire.

Sur le moment, je pense que j'ai réagi comme un peu tout le monde en France. Les événements m'ont paru irréels, et il m'a fallu un certain temps pour comprendre. Par la suite, je n'ai pas eu envie d'écrire, ni à propos de ça, ni à propos de rien du tout.

Pas envie d'écrire à propos de ça parce que je serais bien incapable de dire quelque chose d'intelligent, de savoir parler de cette situation avec tact, de pouvoir en dire quelque chose qui ne heurte pas, qui représente le fond de ma pensée, sans maladresse.


Et puis je suis passée par un tas d'émotions aussi bizarres et contradictoires les unes que les autres en voyant le cours des événements, et les diverses réactions des gens. Et puis il y a eu la chanson de Grand Corps Malade qui nous appelle tous à nous exprimer, chacun à sa manière, à user et abuser de notre liberté d'expression, parce que c'est d'elle dont il est question ces derniers jours. Et j'ai décidé de prendre ma plume moi aussi, pour parler de tout ça, pour te dire ce que j'en pense, à mon niveau.


Elle a pris un coup dans l'aile, notre belle colombe, ces derniers jours. Un sacré coup. D'abord il y'a eu l'attaque. Semer la terreur pour faire taire les gens, avoir recours aux armes pour lutter contre des idées et des crayons, massacrer ceux qui avaient eu la mauvaise idée de penser un peu trop fort. Et le choc de voir que les terroristes allaient jusqu'en plein Paris pour assassiner la liberté d'expression.

12 morts déjà, et ce logo qui apparaissait sur internet, symbole de cet élan de solidarité incroyable. Les photos de profil Facebook changeaient les unes après les autres.


Mais au même moment, les premières réactions écoeurantes arrivaient. Certains n'ont même pas attendu une journée pour commencer les récupérations politiques. Quand on pleure 12 morts et notre liberté blessée, est-ce vraiment le moment pour relancer le débat sur la peine de mort ? Quand on est en procès quasi continu avec Charlie Hebdo, est-on vraiment légitime à simuler une pseudo solidarité pour ce journal qu'on haïssait ?

Il faut croire que je choisis plutôt bien mes contacts Facebook, parce que je n'ai eu à enlever de ma liste d'amis qu'une seule personne, que je comptais déjà supprimer avant. Mais vu les statuts outrés de mes amis concernant ce qu'ils pouvaient lire sur leur mur, ce n'est pas le cas de tout le monde. Comme d'habitude, ce genre d'actes terroristes est l'occasion parfaite pour certains de balancer le fond de leur pensée nauséabonde sur la communauté musulmane.


Il y'a aussi eu ceux qui n'étaient pas Charlie, parce qu'ils refusaient l'empathie sélective. Parmi mes amis Facebook, ce sont ceux qui militent le plus : pour les droits des femmes, des animaux, contre les différentes injustices. J'ai cherché longtemps les mots pour leur expliquer que ce logo, ce n'était pas "juste" Charlie, c'était toute la liberté d'expression, tout ce qui leur permettait d'élever leur voix pour défendre toutes les autres causes. Alors plus que n'importe qui, ils étaient Charlie, parce qu'ils étaient militants, parce que parfois, ils pouvaient même se permettre des points de vue extrêmes, des prises de positions intolérantes. Mais je n'ai pas eu envie de débattre là-dessus cette semaine, alors je n'ai rien dit.


Je n'aimais pas particulièrement Charlie Hebdo, je n'achetais pas le journal mais le lisais de temps à autre, par des amis qui eux ne le loupaient jamais. Je trouvais parfois qu'ils allaient trop loin, mais ils en avaient le droit. Tout comme Marine Le Pen a le droit de s'exprimer, même si j'ai envie de casser ma télé à chaque fois qu'elle ouvre la bouche. Tout comme des femmes ont le droit d'être contre l'avortement, même si ça me donne envie de leur retirer les ovaires à la lime à ongles et sans anesthésie (mais ça, j'ai pas le droit de le faire).

Alors voilà, on en était là, et j'étais partagée entre l'espoir que faisait naitre en moi le mouvement #jesuischarlie, et l'écoeurement ressenti en voyant toutes ces réactions haineuses.


Et puis il y'a eu les prises d'otages, le (il faut le dire) très bon travail de la police et de l'armée pour neutraliser les terroristes, et les 4 morts supplémentaires. Et c'était fini. Enfin.

Mais le mouvement, lui, a continué. Et on a parlé de descendre dans la rue.

La dernière fois que les français sont descendus dans la rue en masse, c'était pour manifester contre le mariage pour tous. Et à cette époque, je crois que j'avais perdu un bon morceau de ma foi en l'humanité, en voyant tous ces gens se mobiliser pour que leurs semblables n'aient pas les mêmes droits qu'eux. Après avoir manifesté contre l'égalité, voilà que les français semblaient soudain se réveiller et enfin se mobiliser pour quelque chose de positif et de beau.



Semblaient, car certains n'ont pas vraiment du comprendre pourquoi ils défilaient dimanche, comme en témoignent le débat sur la présence ou non du FN et certains commentaires politiques sur Facebook à la sauce "Untel a dit/écrit/dessiné ça, c'est intolérable".

Le FN est un parti politique autorisé, alors même si on est un sacré paquet à ne pas pouvoir les supporter, nous n'avions aucune raison de les censurer dans une marche républicaine. On n'organise pas une marche pour la liberté en interdisant à des gens qui ne nous plaisent pas d'y prendre part. Et ça, même Voltaire avait pigé, alors on a eu le temps de l'intégrer depuis non ?


Quand aux différents commentaires sur les réseaux sociaux, je pense que ceux qui se sont amusés à traiter de tous les noms ceux qui avaient le malheur de poster des statuts comportant plus de mots que  la simple expression "Je suis Charlie" (je mets bien sur de côté les commentaires racistes, haineux, ou faisant l'apologie du terrorisme qui eux, sont supposés tomber sous le coup de la loi) n'avaient visiblement pas bien compris l'enjeu de la chose, et la notion de liberté d'expression.



Alors je pense à toute l'équipe de Charlie Hebdo. Parce qu'on ne devrait pas mourir pour des idées, pour des crayons et du papier. Parce qu'ils avaient eu le courage, durant toutes ces années, de continuer malgré les menaces. Parce que ça n'aurait jamais du arriver.

Je pense aux musulmans aussi, parce que ces monstres ne sont pas musulmans, parce que l'islam, ce n'est pas ça, et que ces gens là salissent leur religion. Je pense aussi à eux parce qu'ils vont encore subir les amalgames, les clichés et la haine des imbéciles. Parce qu'on devrait tous pouvoir pratiquer ou non la religion de notre choix sans que personne n'ait rien à dire là dessus.


Je pense, pour une fois, à la police et à l'armée aussi. Je n'ai pas pour habitude de beaucoup les apprécier, je l'avoue (surtout l'armée), mais ils ont perdu certains des leurs dans cette histoire, et je salue leur courage lors des assauts, ainsi que la vitesse à laquelle ils ont opéré. Si le bilan n'est pas plus lourd cette semaine, c'est grâce à eux.

Alors on a marché dans la rue, pour tout ce monde là, pour Charlie Hebdo, et pour la liberté. On a porté notre colombe à l'aile abimée, on l'a réparée, renforcée, et elle vole, plus haut, plus vite et mieux qu'avant. Ils ont voulu la tuer, ils l'ont rendue plus forte.



Charlie Hebdo aussi, finalement, je crois. Parce que le journal fanait petit à petit, faute d'abonnés, faute d'argent, et n'était pas loin de s'éteindre. Ils ont cherché à le tuer, lui aussi, mais l'ont finalement relevé. Maintenant Charlie va vivre, et j'espère que l'on fera tous en sorte qu'il vive longtemps.

Et j'espère, j'espère très fort, que nous aussi, on en ressortira plus unis, plus soudés, plus tolérants, qu'on s'aimera un peu plus et qu'on s'écoutera les uns les autres.


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