dimanche 4 novembre 2012

27 février 2010

Cette date, je crois que je pourrais me la faire tatouer tellement elle est ancrée en moi. C'est probablement celle qui a été la plus bouleversante dans ma vie.

Parce que ce jour là, j'ai cru que mon monde s'écroulait, littéralement.

Le 26 février était une très belle journée. En plein été pour le Chili, il avait fait un temps magnifique. Ce jour là c'était sortie d'entreprise. Les commerciaux étaient en séminaire à Con-Con, près de la côte, et nous les avions rejoint ce vendredi, pour profiter d'un spa le matin, d'un barbecue gigantesque comme les chiliens savent si bien en faire le midi, et d'un raid en 4x4 dans les dunes l'après-midi - pas très malin après le barbec', faut bien l'avouer -.




Rentrée claquée le soir, je m'étais fait une bonne petite soirée tranquille chez moi, à rattraper mon retard sur la série Fringe.

A 3h34 du matin, je n'étais pas couchée. Peut être que c'était mieux comme ça.

Parce que je revois encore clairement ces 3 minutes, je me souviens de chaque seconde. Je me souviens du début du tremblement, de m'être dit "ah, encore un temblor", ceux auxquels on est habitué dans ce coin là.

Je me souviens aussi, de mon inquiétude en voyant que ce temblor n'en finissait pas, et pire, qu'il semblait prendre de la puissance. Je me souviens de ce bruit terrible, ce grondement venu du fond de la terre, accompagné des cris de mes voisins.

Je me souviens de ma prise de conscience, ce n'est pas un temblor, c'est un terremoto. Je sens encore ma peur, et ce putain d’instinct de survie qui m'a pris à ce moment là.



Sortir avant que l'immeuble ne s'effondre, c'est tout ce que j'avais en tête. Il ne pourrait pas résister à ce mouvement de cisaillement, celui qui me secouait, de droite à gauche, m'obligeant à m'accrocher aux meubles et aux murs pour avancer. J'étais absolument persuadée qu'aucune construction ne pouvait résister à ça.

Je me souviens encore de m'être vue mourir derrière la porte de mon appartement, bloquée par les mouvements des murs.

Je me revois encore enfin sortir de mon appartement, parler - crier plutôt - à ma voisine qui hurlait "dios mio, no quiero morir".

Moi non plus, je ne voulais pas mourir. J'ai descendu les marches des 4 étages une par une, m'accrochant à la rampe des escaliers, en me répétant que j'étais trop jeune, que j'aimais trop la vie, qu'il était impossible que je puisse mourir ici.

Si tu savais comme à ce moment là, j'ai pris conscience que vraiment, je voulais vivre, que j'aimais la vie de toutes mes forces, que je ne voulais pas qu'elle me lâche.

Il me restait seulement quelques marches à descendre quand la terre a arrêté de trembler, après 3 longues minutes. Je me suis retrouvée nez à nez avec mon concierge qui répétait à qui voulait bien l'entendre "tranquilito, esta terminado".

L'immeuble avait résisté. On ne pouvait pas en dire autant pour tous le pays. Trente minutes après les tsunamis dévastaient la côte. Plus de 300 morts, ce qui est peu pour le 6ème plus important tremblement de terre enregistré à ce jour.

Les dégâts, les blessés, ils étaient là, tout près de chez moi. Même l'église de mon quartier avait perdu son clocher.

Photo de l’église Nuestra Señora de la Divina Providencia à Santiago.
 Photo de Julio Costa Zambelli publiée sous licence Creative Commons.

Plus d'eau, plus d'électricité, et ce pendant 5 jours. Plus de moyen de communication. Impossible de prévenir ma famille, ou de savoir comment allaient mes amis. Je ne le saurais que le lendemain soir.

Les jours suivants, les magasins étaient vidés, mes voisines, dont l'appartement avait par je ne sais quel miracle l'électricité, m'ont invitée à manger plusieurs jours chez elles, devant les images télévisées du pays dévasté.

Cette peur, cette sensation d'être face à la mort, cette envie de vivre, ce besoin plutôt, je les ressens encore. Ce terremoto a complètement chamboulé ma façon d'être, ma façon de vivre.

Je me bats comme une lionne pour le bonheur, parce que je ne veux plus en laisser passer une miette. Pire, je ne supporte plus d'en laisser passer une miette.

J'ai pris conscience que tout peut filer d'un coup, la vie bien sur, mais aussi des choses moins importantes, qu'un beau jour ma santé peut me lâcher, qu'une partie de mon corps peut décider de faire grève. Je fais du sport parce que c'est une chance de pouvoir en faire. J'y pense souvent quand je monte à cheval et que j'ai la flemme parce que c'est lundi soir, qu'il fait nuit, froid, et qu'il flotte, je cours souvent une ou deux minutes de plus en y pensant quand je suis crevée et que j'ai envie de stopper, je me motive souvent à aller courir quand je n'en ai pas envie en me disant "demain qui sait ?".

Je râle peu, ou j'essaye en tout cas, les petites contrariétés de la vie n'ont que peu d'impact sur moi, parce que je ne leur donne plus aucune importance. Je ne supporte plus les râleurs  ils me donnent envie de leur hurler de fermer leur gueule et de regarder un peu comme tout va bien, bordel.

Je ne supporte plus les gens qui réfléchissent leur vie au lieu de la vivre, ceux qui sont tellement dans le doute constant qu'ils finissent par ne faire aucun choix et tout laisser tomber, ou rater le coche, ces personnes qui passent leur temps à se demander s'il n'y aurait pas encore mieux, au lieu de simplement voir le bonheur là ou il est, devant eux, à portée de main. J'ai envie de les envoyer dans mes souvenirs de cette journée, pour qu'ils se rendent compte que s'ils ne se lancent pas, s'ils ne choisissent pas, la vie pourrait bien un jour choisir pour eux, et leur ôter cette liberté de le faire.

Plus que tout, je n'ai plus de patience face au bonheur. Je ne vois plus l'intérêt de se donner à fond et se pourrir la vie pour un bonheur potentiel qui pourrait arriver dans plusieurs mois, voir années. Faire des plans sur le long terme et se donner les moyens d'y arriver, évidement, mais sacrifier sa vie actuelle pour une vie future meilleure, plus jamais. Je veux du bonheur, tout de suite, et si je ne l'ai pas, je ne l'attends pas, je me bouge le cul. Je ne réfléchis plus avec des si, en faisant des hypothèses, parce que je ne vois pas l'intérêt d'attendre en espérant quelque chose qui pourrait se réaliser, alors que j'ai la possibilité là, tout de suite, de réaliser de belles choses sans attendre. Peut importe la fatigue, la difficulté, les complications éventuelles, si j'ai la possibilité de grappiller un instant heureux, je le fais, sans hésiter une seconde.

Ce post peu te paraître très con, très neuneu, ou très américain, tu as le droit de me dire "oui mais c'est facile à dire, nettement moins à faire". Je suis d'accord, et des fois je n'y arrive pas moi-même.

Mais régulièrement, quand je râle trop, que je suis trop passive face aux choses, ou que je me laisse aller à une déprime passagère, je repense à cette date, je repense à tout ce que j'ai ressenti à ce moment là, à la façon dont j'ai eu envie de me battre pour ma vie, et je me rends compte à quel point j'y tiens malgré tout et à quel point j'ai envie de continuer à me battre pour ne pas en gâcher un seul instant.


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6 commentaires:

  1. hé, c'est beau tout ça (et affreux en même temps)

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    1. C'est vrai que c'est assez délicat de dire qu'on a retiré du bon de quelque chose d'aussi affreux, mais c'est pas vraiment l'idée, quand j'y réfléchi bien, c'est surtout que ça m'a donné une bonne leçon, en fait...

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  2. Courage ma puce... Et fonces, comme tu sais si bien le faire !
    Et c vrai que tu rales beaucoup moins !!!

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    1. Oh je rale encore, par plaisir quoi - pis ce weekend je rale parce que je suis malade, voila -

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  3. Je suivais déjà ton blog et avait pensé fort à toi là bas avec ton charmant chef-collègue dont nous n'avons jamais vu le visage !

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    1. Mouhahaha je t'en enverrai une photo tiens !!! En même temps que je répondrai à ton mail de l'autre jour !

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